Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     CONSEILLER1          CONSEILLER2     
FEW II-2 consiliare
CONSEILLIER, verbe
[AND : conseiller2 ; DÉCT : conseillier1 ]

I. -

Empl. trans.

A. -

"Conseiller"

 

1.

Conseillier qqc. "Conseiller qqc." : Mais ce n'est pas de mon conseil, Ne telle ouevre pas ne conseil, Qu'adès doit estre sus sa garde Dame, comment elle regarde Si qu'on n'i puist pinsier ne mordre, Ne que nuls ne se doie amordre A parler en, fors en tout bien. (MACH., D. Lyon, 1342, 205). Or couvenra il qu'elle die Dou quel li vient sa maladie, Pour li donner certein conseil. Je le lo einsi et conseil. (MACH., J. R. Nav., 1349, 204). Or resgardez que ce sera Quant li soudans chevauchera : Tuit serons pris à la ratiere. Si que, sire, en nulle maniere Je ne conseille la demeure. (MACH., P. Alex., p.1369, 102).

 

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Conseillier que + subj. : "Dame, je vueil Que li juges soit fais tout a vo vueil." - "Mais au vostre, biau sire, et si conseil Qu'il ne soit fais fors par vostre conseil, Car vous l'avez Premiers requis ; pour ce dire devez". (MACH., J. R. Beh., c.1340, 101). Et, sire, se Dieux me doint joie, Pour le milleur conseilleroie Qu'à la porte vous treïssiez, Et vos gens y amenissiez. (MACH., P. Alex., p.1369, 87). Et quant li princes l'entendi, Tout en l'eure, li respondi : "Je loe et conseil qu'on li mande Que son armée contremande, Et que li Turq sont desconfit à s'onneur et à son profit." (MACH., P. Alex., p.1369, 170).

 

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Conseillier qqc. à qqn : Et pour ce te vueil supplier, Et si le te lo et conseil, Que tu uses de mon conseil. (MACH., C. ami, 1357, 77). "...Prenés la, je le vous conseil !" "Et ce me semble bon conseil" (MACH., Voir, 1364, 380). Or use dont de mon conseil Et fai ce que je te conseil (MACH., Voir, 1364, 534).

 

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Conseillier à qqn que + subj. : Si que je vous lo et conseil Que plus ne parlez sans conseil ; Car vous estes trop juenes homs Pour dire si faites raisons. (MACH., J. R. Nav., 1349, 245). Mais se ti anemi d'acort Sont d'eaus retraire, bien m'acort, Euls retrais, que hardiement Tu traites bien et sagement. Se ton bon y vois, si le pren. Mais je te conseil et t'apren Que, comment que li traitiez prengne, Que ton fait a l'onneur se teigne, Qu'onneur crie partout et vuet : "Fai que dois, aveigne que puet". (MACH., C. ami, 1357, 115). Si que, sire, je vous conseil, Que vous usez de mon conseil Et que faciez vos voiles tendre Droit vers la cité d'Alixandre... (MACH., P. Alex., p.1369, 62).

 

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Conseillier à qqn de + inf. : Mais li roys ne li demandoit, N'à nulle riens tant ne tendoit Fors qu'elle nommast la personne Qui li conseille d'estre nonne. Et la dame li respondoit, Endementiers qu'on l'estendoit : "Sire, vous estes mes drois sires, Faire me poez tous martyres, Crucefier, morir ou vivre..." (MACH., P. Alex., p.1369, 261).

 

2.

Conseillier qqn. "Conseiller, aider, secourir qqn" : Je sui li confors des amans Qui font les amoureus commans ; Je les aide ; je les conseil ; Je sui de leur estroit conseil (MACH., R. Fort., c.1341, 78). Et pour ce vous vueil je rouver, Dame, que vous me consilliez, Ou perdus suis et essilliez (MACH., R. Fort., c.1341, 115). Et quanqu'on scet dedens nommer, Tout ce qui est, fu et sera, Fist tout, et tout ce deffera A un terme qu'il y a mis, N'oublie onques ses bons amis, Eins les conseille et les conforte Et joie en misere leur porte Par mainte diverse maniere, Et s'aimme d'amour si entiere Qu'onques a confort ne failli Qui donna tout son cuer a li. (MACH., C. ami, 1357, 3). Si que tu dois bien penre garde Comment Dieus ceuls et celles garde Qu'il vuet consillier et garder... (MACH., C. ami, 1357, 56). Et cilz qui le conseil vous donne D'aler y si hastivement, Il vous conseille folement. (MACH., Voir, 1364, 610).

 

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Conseillier qqn à + inf. : Comment Nature, volant orendroit plus que onques mais reveler et faire essaucier les biens et honneurs qui sont en Amours, vient a Guillaume de Machaut et li ordonne et encharge a faire seur ce nouviaus dis amoureus, et li baille pour lui conseillier et aidier a ce faire trois de ses enfans, c'est assavoir Scens, Retorique et Musique. (MACH., Prol., c.1377, 1). Vuet que j'aie bonne Esperance, Dous Penser et douce Plaisance En faisant son trés dous service Bonnement, sans penser a vice, Et leur commande travillier Pour moy aidier et consillier A faire dis et chansonnettes Pleinnes d'onneur et d'amourettes, Doubles hoquès et plaisans lais... (MACH., Prol., c.1377, 6).

 

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Conseillier + interr. indir. : Passer me faut la mer parfonde ; Et si ne say où je doy traire. Maintes fois as estet au Quaire, En Alixandre et en Surie, Et en Egypte. Se te prie Que tu me vueilles consillier Où nous pourrons mieus esploitier, Car tous desesperez seroie S'en vain la haute mer passoie (MACH., P. Alex., p.1369, 60).

 

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[Dans un tour optatif] Se Dieus me consaut. "Que Dieu me protège" : Si regarday que ce seroit Et ce que li lions feroit, Car il fist, se Dieus me consaut, Entour moy maint tour et maint saut, Et longuement me conjoy, Dont mes cuers moult se resjoy. (MACH., D. Lyon, 1342, 171).

B. -

"Dire, chuchoter" : Lors li conseilla en l'oreille Ce qu'elle volt, secretement. (MACH., J. R. Nav., 1349, 219).

II. -

Empl. pronom. réfl.

A. -

Soi conseillier à. "Demander conseil à, demander l'avis de" : ...Car j'ai mestier de ton conseil ; Et pour ce a toi seul me conseil ! (MACH., Voir, 1364, 488). Aler volez vers l'empereur, Qui est mon oncle et mon signeur ; Et je vous feray compaingnie, Car là sans moy n'irez vous mie ; Si useray de son conseil, Qu'à li volentiers me conseil. (MACH., P. Alex., p.1369, 30).

 

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Soi conseillier à qqn de qqc. : Or regardons que nous ferons, Et se nous les assauterons ; Car hontes seroit de partir Sans eaus penre, ou sans assaillir : Et pour ce à vous tous m'en conseil. Or me donnez vostre conseil Si bon, que Dieux y ait honnour Et nous n'i aiens deshonnour. (MACH., P. Alex., p.1369, 80).

 

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Soi conseillier à qqn de + inf. : Ne sai se je dor ou veil Quant son riant oeil, Son gent corps qui n'a pareil Et son doulz accueil Voi et son cointe appareil Simple, sans orgueil Et son vis blanc et vermeil Plus que fueille en brueil, A qui d'amer me conseil Dont maint plaisant mal recueil. (MACH., Voir, 1364, 390).

 

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Soi conseillier à soi-mesme : Quant j'ay mestier d'aucun conseil, A moy meïsmes me conseil ; Ne jamais n'iray pain querant, Quant je sui fils au Roy Priant, Einsois aray toudis assez. (MACH., F. am., c.1361, 219).

B. -

"Réfléchir à, délibérer" : Un jour en la mer s'arresta Li roys, et moult bien s'apresta Et se conseilla qu'il feroit Et comment il descenderoit. (MACH., P. Alex., p.1369, 213).

 

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Soi conseillier comment + subj. : Car li annemy de no loy Sont moult fort, si com dire l'oy, Et tant qu'on ne les puet nombrer, Tant sen sceüst clers encombrer. Si se couvient bien consillier, Ymaginer, penser, veillier Comment ceste chose [la Croisade] se face, Si qu'à s'onneur Dieus la parface (MACH., P. Alex., p.1369, 38).

III. -

Empl. intrans.

A. -

"Donner conseil" : Or a trouvé, s'il vous plaist, consillier Bon et loial ; laissiez le consillier ; Si ferez bien. Car il est pris en si estroit lïen Qu'il n'i scet tour d'eschaper, ne engien. (MACH., J. R. Beh., c.1340, 129).

B. -

"Parler à voix basse, en secret" : Mais di moy, quant tu la preïs, Sous quel arbre tu les veïs Parler ensamble et consillier. (MACH., C. ami, 1357, 13).

C. -

"Tenir conseil, délibérer, réfléchir" : Tantost fist son conseil mander Pour savoir et pour demander Comment il se doit maintenir, Puis qu'il ne puet à pais venir. Si que longuement consilla, Et trouvé en son conseil a Qu'il face une très grosse armée, Et qu'il mande par la contrée Ses subgés et ses bons amis Pour destruire ses anemis. (MACH., P. Alex., p.1369, 129). Sire, il est tard ; si n'est pas heure De conseillier (MACH., P. Alex., p.1369, 148). Et einsi comme il conseilloient En une chambre où il estoient, Il oïrent une grant noise (MACH., P. Alex., p.1369, 150).

 

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Conseillier sur : Sire, il est tard ; si n'est pas heure De conseillier, à dire voir, N'encor ne poons nous savoir Leurs alées ne leurs venues, Leurs entrées ne leurs issues, Si que demain nous les sarons Et seur ce nous conseillerons. (MACH., P. Alex., p.1369, 148).

IV. -

Part. passé en empl. adj. "Disposé, décidé" : Et tuit li autres ensement De la tour aval avalerent, Et puis sus leurs chevaus monterent, Bien armé et bien abillié, Et de leur fait bien consillié. (MACH., P. Alex., p.1369, 97). Un jour en la mer s'arresta Li roys, et moult bien s'apresta Et se conseilla qu'il feroit Et comment il descenderoit. Et quant il fu bien consilliez, Bien aprestés, bien abilliez, Il fist nagier tout droit au port, Et là se combati si fort, Que maugré tous est descendus. (MACH., P. Alex., p.1369, 213).
 

Guillaume de Machaut Noël Musso


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